4e de couverture :
De différentes disciplines, les auteurs étudient ici, sur le temps long (XVIIIe-XXIe siècles) et à partir de sources variées (écrites, orales et matérielles), les rencontres qui ont contribué à la formation de « cultures des franges » aux Mascareignes, à Madagascar, dans l’archipel des Comores, au Kenya, en Tanzanie, au Mozambique. Ainsi, l’aménagement des espaces de vie renvoie à des métissages entre des ressources de l’ici et de l’ailleurs : l’Occident ou d’autres horizons du monde indianocéanique. Des processus comparables d’hybridation sont encore perceptibles dans les domaines de la langue, de la musique, de la danse ou du politique dans des cités mieux connectées que les campagnes à l’étranger, volontiers associé à la modernité.
Dans cet entrecroisement des cultures, la circulation ne se fait jamais dans un seul sens, même en situation coloniale. À l’occasion de ces échanges, certains individus et groupes sociaux, étrangers ou du cru, jouent le rôle de passeurs et contribuent au dynamisme de leurs cités. À côté des élites, des jeunes de divers milieux diffusent également les innovations. L’inventivité de la jeunesse peut d’ailleurs infléchir le cours de la politique. Grâce à ces intermédiaires, les cités renforcent leur statut de lieux de pouvoir. Mais, autres médiateurs, des gens de lettres dénoncent, à travers des romans et des poèmes, les dangers de la ville et la précarité des citadins les plus démunis.
En effet, malgré des moments sous le signe de l’interculturalité ou du partage, ainsi lors de fêtes, les sociétés urbaines, traversées de multiples clivages, connaissent des tensions. En témoignent des conflits autour du contrôle des informations et de l’occupation des lieux de culte ou la concurrence entre les défenseurs des croyances du terroir et les prédicateurs des nouvelles Églises. Mais les nouveautés sont aussi utilisées dans les stratégies personnelles comme ressources pour renégocier sa place au sein de la communauté et faire son chemin dans la complexité des mondes urbains.
Faranirina V. Rajaonah, professeure d’histoire contemporaine à l’Université Paris Diderot (Paris 7), a longtemps enseigné à l’Université de Madagascar. Elle a codirigé, aux éditions Karthala, Madagascar et l’Afrique (2007) et Madagascar revisitée (2009).