Nous avons lu le dernier essai de Gaston Kelman, intitulé Les hirondelles du printemps africain, publié par les éditions Jean-Claude Lattès, en 2008. L'auteur du cri du coeur Je suis noir et je n'aime pas le manioc (2003) s'entretient longuement avec Ely Ould Mohamed Vall, qui dirigea la Mauritanie de 2003 à 2007, à l'issue d'un coup d'État et d'une transition militaire. Il le considère comme le "père de la démocratie mauritanienne".
Dans son ouvrage, Gaston Kelman analyse les difficultés de construction des nations africaines dans un contexte marqué, selon lui, par l'idée de la victimisation des Africains dans les processus de l'esclavage, de la colonisation, de la mondialisation et le mythe d'une unité africaine, voire panafricaine. Il s'attache à déconstruire les stéréotypes raciaux et ethniques qui contrarient l'unité des nations africaines en devenir.
Celui qui dénonce les idées reçues sur l'Afrique emploie des termes pour le moins inattendus, ("Afrique noire", "le Mauritanien", "le Camerounais", "le Malien" ou encore "le Japonais"...). On pourrait établir un parallèle entre cette lecture réductrice des groupes et les partisans d'une unité africaine fantasmée que l'auteur dénonce à juste titre. Par ailleurs, pour montrer que les peuples peuvent vivre ensemble dans le cadre d'un projet national consensuel, Gaston Kelman compare des situations historiques: la Mauritanie et l'Afrique du Sud. La question nationale se pose dans des termes très différents dans ces pays: en Mauritanie, le vivre ensemble est entravé notamment par les séquelles de l'esclavage interne et les rivalités ethniques, tandis que, en Afrique du Sud, la société est confronté au legs de l'apartheid, comme en témoigne les récentes violences xénophobes à l'encontre des migrants venus du reste de l'Afrique australe.
Les chercheurs ont montré depuis longtemps que les Africains ont participé activement aux traites des captifs à l'intérieur du continent, vers le Maghreb, l'Asie et les Amériques. De même, ils ont relativisé les effets de la phase coloniale dans les difficultés actuelles de l'Afrique. Il est certain qu'un changement des mentalités est nécessaire - ce changement est en cours depuis les années 1960 au moins et les désillusions populaires des indépendances politiques. On aurait aimé plus d'analyse des fortes résistances internes (États, élites locales, fonctionnaires, marchands...) et externes (États, multinationales, bailleurs de fonds internationaux, Ong...) au changement en question.
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