mardi 13 mai 2008

Séance du séminaire "La fabrique des savoirs"

Jeudi 15 mai (14h-16h)– Savoirs et contrôle social
Coordinatrice : Pascale Barthélémy (ENS-LSH/Université de Lyon)

- Céline Badiane-Labrune (SEDET) et Etienne Smith (Sciences Po-CERI), L'étude du "folklore" par les instituteurs dans le Bulletin de l'enseignement en AOF (1930/1960)
- Cécile Van den Avenne (ENS-LSH), Quelle langue pour les tirailleurs sénégalais ? Sabir ou français standard. La politique linguistique au sein de l'armée coloniale (1914-1960)

Lieu : INALCO, 2 rue de Lille, Métro Saint Germain des Prés, Salons

Résumé de l'intervention de Céline Badiane-Labrune et Etienne Smith :
Il existe déjà de nombreux travaux sur le rôle de certaines revues (Pondopoulo 1995 et De Suremain 2006 sur le BCEHSAOF ; Piriou 1997 sur Outre-Mer), d’institutions (De Suremain 2007 sur l’IFAN) ou d’acteurs locaux (Jézéquel 1998 ; Dulucq 2006) dans la production de savoirs aofiens, mais pas d’étude spécifique sur le Bulletin de l’Enseignement de l’AOF.A partir de l’analyse systématique du BEAOF (puis Education Africaine) de 1930 à 1960, il s’agit d’étudier la production de savoirs ethnographiques par les instituteurs africains de l’AOF. Sur cette base on s’interrogera moins sur les contenus des contributions des instituteurs africains à la revue, que sur les choix des contenus et des méthodes, c’est-à-dire sur les débats qui ont eu lieu autour des savoirs à produire : le comment et le pourquoi de la fabrique des savoirs. La revue s’avère un vrai lieu de débat, voire de confrontation feutrée sur les savoirs produits, auquel les instituteurs africains ont largement participé.
On interrogera en particulier le rapport au local et son enseignement, ainsi que les controverses à ce sujet. Sous cet angle, on tentera de comparer ces débats avec l’idéologie des « petites patries » telle qu’elle a été diffusée et débattue dans le cadre scolaire en métropole (Thiesse 1996 ; Chanet 1997) et d’analyser son transfert en situation coloniale. Dans cette analyse de la production des savoirs culturels locaux, on se réfèrera également aux devoirs des élèves-maîtres des Ecoles Normales qui ont pu être consultés.Céline Badiane-Labrune a abordé ce thème à partir de son travail de thèse sur les logiques de scolarisation en Casamance et Etienne Smith, en retraçant les origines intellectuelles, le passé scolaire et les savoir-faire des promoteurs contemporains des terroirs et des parentés à plaisanterie au Sénégal, questions analysées dans sa thèse.
Résumé de l'intervention de Cécile Van den Avenne :
L’intervention se propose d’analyser la politique linguistique mise en place au sein de l’armée coloniale française, et plus précisément au sein des bataillons de tirailleurs dits « tirailleurs sénégalais » autour de la Première Guerre mondiale. La diversité des origines des tirailleurs (minoritairement sénégalais) a pour conséquence une grande diversité linguistique au sein des bataillons. D’autre part, les officiers, une partie des sous-officiers et les titulaires de spécialités techniques sont français. La question de la communication est donc à la fois un problème horizontal et vertical : elle concerne à la fois la communication quotidienne entre tirailleurs et la question, plus directement cruciale, de la compréhension des ordres. Les différents documents analysés ici rendent compte de deux types de pratique permettant l’intercommunication : d’une part l’usage de parlers véhiculaires, d’autre part l’usage de la traduction. Par ailleurs, ils révèlent, concernant le choix d’un véhiculaire, d’une hésitation et d’une pluralité de pratiques, une langue indigène pouvant être promue au rang de véhiculaire au sein de l’armée (c’est ce que nous verrons à propos du bambara), ou le français (dans une version éventuellement simplifiée) pouvant remplir ce rôle. Nous rendons compte ici à la fois d’articulations et de tensions entre ces diverses pratiques qui se révèlent à la lumière de l’engagement dans la Grande Guerre, et nous tâchons d’expliciter les conceptions anthropologiques qui les soustendent, dans la mesure où l’on peut considérer les pratiques militaires comme largement influencées par la manière dont le savoir ethnographique est en train de se constituer, au début du XXe siècle, en et sur l’Afrique de l’Ouest.
Référence principale :
C. Van den Avenne, « Bambara et français-tirailleur. Une analyse de la politique linguistique de l'armée coloniale française : la Grande Guerre et après », in Documents pour l'histoire du français langue étrangère ou seconde, SIHFLES, décembre 2005, n°35, pp.123-150.

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